Près d'un an après l'implosion de sa plateforme d'échanges de cryptomonnaies FTX, dont le secteur peine encore à se remettre, l'Américain Sam Bankman-Fried va répondre d'accusations de fraude et d'association de malfaiteurs devant un tribunal fédéral new-yorkais à partir de mardi. Entre les charges accablantes qui pèsent contre lui, le non-respect des conditions de sa liberté sous caution et les témoignages de ses ex-collaborateurs, les choses se présentent mal pour lui.
Après la chute, l'heure du jugement pour Sam Bankman-Fried. Près d'un an après le scandale FTX qui a fait vaciller tout le secteur des monnaies numériques, le roi déchu des cryptomonnaies comparaît devant un tribunal fédéral new-yorkais à partir de mardi 2 octobre. Il risque une peine de plus de 100 ans d'emprisonnement pour fraude et association de malfaiteurs.
Le procès de "SBF", qui doit commencer par la sélection du jury et durer six semaines, marque le point d'orgue de la disgrâce de cet ancien gendre idéal des cryptos. Défenseur d'une meilleure régulation du marché des monnaies virtuelles, engagé dans de nombreuses œuvres caritatives, l'ancien milliardaire était une figure médiatique et courtisée à Washington en raison de ses généreuses donations au Parti démocrate.
En quelques mois seulement, ce diplômé de physique du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) avait fait d'une petite start-up lancée en 2019 la deuxième plateforme mondiale d'échanges de cryptomonnaies.
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Mais derrière cette façade de respectabilité, le jeune prodige se livrait en réalité à des montages financier frauduleux, selon la justice américaine. Sam Bankman-Fried utilisait les fonds des clients de FTX pour alimenter une filiale baptisée Alameda Research, afin d'effectuer des placements risqués. Le "génie" des cryptomonnaies piochait dans les économies des autres pour spéculer pour son propre compte.
Début novembre 2022, le média spécialisé CoinDesk a révélé qu'Alameda Research avait converti une bonne partie de ses actifs en FTT, la cryptomonnaie créée par FTX. La santé financière de FTX ne reposait plus sur de l'argent sonnant et trébuchant mais sur une monnaie virtuelle sujette à de fortes variations. Résultat : un mouvement de panique, qui a fait s'effondrer le cours du FTT... et l'empire de "SBF".
La gestion chaotique de l'entreprise fait les choux gras de la presse mondiale qui, jour après jour, découvre l'ampleur du scandale. Selon l'administrateur judiciaire nommé pour gérer la liquidation de l'entreprise, quelque 8,7 milliards de dollars se sont volatilisés, au grand dam d'un million de clients et d'une douzaine de grands investisseurs. Les procureurs américains ont qualifié le stratagème présumé mis au point par Sam Bankman-Fried comme "l'une des plus grandes fraudes financières de l'histoire américaine".
"Il s'agit d'une fraude présumée, avec de l'argent qui a été prélevé et utilisé de façon inappropriée. Donc le fait que ce soient des cryptomonnaies ne va pas changer la stratégie de l'accusation", explique auprès de l'AFP Julia Jayne, avocate californienne spécialisée dans la criminalité en col blanc. "Je pense qu'ils peuvent réussir à expliquer" comment fonctionnent les cryptomonnaies à des jurés qui ne sont vraisemblablement pas des investisseurs chevronnés, ajoute-t-elle.
Des témoignages à charge
Le procès qui s'ouvre mardi s'appuiera sur des millions de pages de preuves mais aussi des témoignages des anciens partenaires de Sam Bankman-Fried, dont celui de son ex-petite amie, ancienne directrice générale d'Alameda Research, Caroline Ellison.
Décrit comme une bande d'adolescents attardés, vivant en communauté dans une résidence de luxe aux Bahamas d'où s'écrivait la destinée de FTX, le premier cercle de "SBF" a rapidement tourné le dos à son ancien patron pour collaborer avec la justice américaine et espérer échapper à de lourdes peines de prison.
Plusieurs témoignages accablants pour Sam Bankman-Fried sont attendus lors des prochaines semaines, notamment ceux de Gary Wang, cofondateur et responsable de la technologie de FTX, de Nishad Singh, le directeur technique, et de Ryan Salame, l'ancien directeur de clientèle. Tous ont reconnu des transferts de fonds illégaux et pointé la responsabilité de "SBF".
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Pour éviter de finir ses jours en prison, l'ancienne idole des cryptomonnaies, qui va plaider non coupable lors de son procès, devrait se dépeindre en chef d'entreprise mal entouré et dépassé par son succès, une ligne de défense qu'il a adoptée depuis son arrestation. Quelques jours après l'implosion de FTX, le génie des cryptos avait admis avoir "foiré" tout en démentant les accusations de détournement de fonds. "Il n'y a rien que je puisse faire qui donne à ma vie un bilan positif", a-t-il écrit. "Mais la vérité, c'est que j'ai fait ce que je pensais être juste."
"SBF" pourra compter sur deux juristes expérimentés et habitués des procès très médiatisés pour tenter de convaincre le jury : Christian Everdell et Mark Cohen, deux anciens procureurs fédéraux ayant travaillé sur des affaires impliquant le baron de la drogue "El Chapo" et Ghislaine Maxwell, condamnée pour trafic sexuel pour le compte du milliardaire Jeffrey Epstein. Ce duo de choc va probablement tenter de saper la crédibilité des témoins en soulignant leurs liens intimes avec l'accusé et la clémence dont ils espèrent bénéficier en échange de leur coopération.
Mais la tâche s'annonce ardue pour la défense. Outre la montagne de preuves accumulées par l'accusation et les témoignages de ses quatre anciens lieutenants, "SBF" a passablement irrité la justice avant son procès en violant les conditions de sa liberté sous caution.
Fin décembre 2022, le héros déchu des cryptos avait été libéré contre une gigantesque caution de 250 millions de dollars. Mais sept mois plus tard, un juge fédéral lui reproche d'avoir envoyé depuis la maison de ses parents où il était assigné à résidence des messages à d’anciens employés de FTX, notamment Ryne Miller, l’ancien avocat de FTX US, ou encore d'avoir utilisé un VPN, ce que lui interdisait son contrôle judiciaire. "SBF" a également transmis au New York Times des extraits du journal intime de Caroline Ellison. Une manœuvre, selon la justice américaine, pour intimider ce témoin clé et faire pencher la couverture médiatique en sa faveur.
"Pomme pourrie"
Depuis, Sam Bankman-Fried attend son procès derrière les barreaux du Metropolitan Detention Center de Brooklyn, où il affirme être privé de nourriture vegan et de médicaments. Ses avocats ont également fait valoir qu'il n'avait pas eu suffisamment accès à Internet pour préparer sa défense.
Le procès de l'ancien patron de FTX représente un moment charnière pour l'univers des cryptomonnaies, qui peine à se remettre de l'onde de choc générée par la chute de cette figure respectée. Plusieurs entreprises fortement exposées à FTX ont été entraînées dans sa chute tandis que d'autres acteurs du secteur ont souffert de la crise de confiance qui a découlé du scandale.
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"L'industrie veut maintenant dépeindre SBF comme une pomme pourrie, mais l'implosion de FTX a mis en évidence de nombreux problèmes endémiques à l'ensemble de l'industrie des cryptomonnaies", assure Hilary Allen, professeure de droit à l'American University, interrogée par le Financial Times.
"Nombre d'entre eux étaient des pyramides de Ponzi", confirme l'avocate Erica Stanford auprès de l'AFP, en référence à des systèmes d'investissement pyramidaux conçus pour escroquer les consommateurs par l'appât du gain rapide.
Le procès de SBF représentera également un premier grand test pour les autorités américaines dans leurs efforts pour mettre de l'ordre dans un secteur encore peu régulé.
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La plupart des cryptomonnaies, y compris le bitcoin, l'unité la plus populaire au monde, reposent sur la "blockchain", une technologie de stockage et de transmission d'informations décentralisée, qui a donc tendance à fonctionner hors du radar des gendarmes financiers.
Plusieurs textes réglementaires sont en cours d'élaboration au Congrès américain, mais aucun n'a encore été soumis au vote, dans un contexte de fortes divisions entre républicains et démocrates, qui complique les espoirs de compromis. En avance dans le domaine, l'Union européenne s'est de son côté accordée sur un projet de réglementation (MiCA), qui exige des plateformes plus de transparence et de rigueur, et qui doit entrer en vigueur l'an prochain.
Avec AFP
Author: Linda Henderson
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